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apporté sa couronne. Le Saint Bernard de M. de Montalembert est resté dans les mêmes limbes, peut-être prudentes, où le Grégoire VII de M. Villemain est resté. Oserai-je dire que je le conçois et que je l’explique ? Saint Grégoire VII et saint Bernard sont, deux grands et difficiles sujets qui demandent plus, pour les traiter dignement, que de l’art oratoire, et MM. Villemain et de Montalembert sont particulièrement ce qu’on appelle des orateurs. Ils le sont de talent, de goût et même de prétention, je crois.

Probablement ce furent les émotions et les applaudissements sur place de la tribune qui empochèrent, pendant vingt années, M. de Montalembert de publier son Saint Bernard et de prétendre à une gloire moins instantanée et plus sévère. La misère de tout est que rien ne dure. La misère de la gloire qui vient par la parole, c’est que déboutes les gloires qui s’altèrent et j qui passent, elle est celle-là qui passe et qui s’altère le plus. M. de Montalembert l’a-t-il compris, dans le veuvage de la tribune dont il est l’Arthémise et qu’on ne se rappelle guères maintenant que parce qu’il l’a pleure ? L’ennui des loisirs que lui a faits le gouvernement de l’Action, substitué aux vaines parades delà parole, lui a-t-il fait comprendre qu’il faut revenir au livre, si l’on veut vivre plus de deux jours dans la mémoire des hommes, puisqu’enfin l’y voilà revenu ?

Mais malheureusement le livre auquel il revient n’est pas Saint Bernard. L’auteur a manqué à la promesse de sa jeunesse et au rêve de sa vie. Cela doit être triste pour lui. Cela doit être triste pour nous, car ce qu’il publie ne vaut pas ce qu’il eût publié, s’il avait écrit sur saint Bernard, et voici pourquoi. Par cela