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vous fait ?… Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire, et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.

Certes, nous ne croyons pas que M. Oddoul soit le moins du monde le domestique de la Philosophie, dans cette question de l’exaltation d’Héloïse et d’Abailard. La Philosophie qui s’entend au ménage choisirait mieux. M. Oddoul est l’homme de bonne volonté de son propre enthousiasme pour les deux célèbres amants. Il a traduit leurs lettres, parce qu’il les admirait naïvement, et qu’organisé pour la déclamation, la déclamation devait l’attirer par la loi des analogies. Grâce à cette circonstance individuelle, la publication de ces lettres n’aura pas l’effet que la Philosophie pouvait en attendre, si un plus habile les avait traduites et interprétées avec un talent plus profond. Nous ne croyons pas à l’innocuité morale complète de ces lettres sous quelque plume que ce puisse être, mais M. Oddoul, en les vantant outre mesure, leur a communiqué une espèce d’innocence, l’innocence d’une forme grotesque et de sa propre nullité.