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condamnation toutes les dissertations qui le composent, Mme Guizot et M. Oddoul. Mme Guizot a sa nuance de philosophie : elle a cette fêlure à la vitre claire et lumineuse de son bon sens. Femme de lettres, ayant cette considération de la pensée qui donne aux femmes moins d’aptitude à vivre de la vie des sentiments que des idées, elle doit avoir naturellement, et elle les a, quelques entrailles pour Abailard (un professeur éloquent !) et pour cette Héloïse, l’amoureuse littéraire de sa gloire. Cependant la femme, la vraie femme, le cœur qui se connaît en cœur, ne manque point chez Mme Guizot. Aussi plus d’une fois ne peut-elle s’empêcher de voir le creux des deux âmes qui posent devant elle ! Elle reproche à Héloïse l’alignement de ses lettres. Elle dit qu’elle n’est pas « maîtresse de sa rhétorique », que la déclamation l’emporte, et peu s’en faut que le mépris de la femme ne se mêle chez cette historienne du XIXe siècle à l’admiration traditionnelle et obligée qu’elle témoigne à Héloïse. M. Oddoul, au contraire, ne fait point de ces réserves. C’est un passionné qui a sans doute une puissance d’amour si formidable qu’il en donne à ceux qui n’en ont pas. M. Oddoul tient pour des âmes de premier ordre en fait d’amour les deux lettrés mâle et femelle du douzième siècle. Il ne les juge pas. Il les adore. S’ils vivaient, il pousserait l’admiration peut-être jusqu’à faire leurs commissions. Comme un Chinois en permanence, il brûle des pastilles, et quelles pastilles ! sur leurs tombeaux. Je lui demanderai la permission d’en prendre deux ou trois dans sa cassolette, car on ne me croirait peut-être pas non plus, si je parlais de ces parfums inconnus qu’on n’apprécie