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à la Faculté des lettres, sorti de l’Université pour entrer à l’Académie dont il a voulu le prix qu’il n’a pas manqué, ayant par conséquent des terreurs respectueuses fort naturelles pour le progrès, et non moins naturellement des affections intellectuelles pour l’Église, M. Jourdain a été le juge de paix qui appelle les parties en conciliation dans son cabinet avec la plus grande politesse.

Il y a mandé les doctrines les plus opposées, et en vertu de sa modération, vertu moderne, et de ce style modéré qui est le style de la maison dans laquelle il juge, il a tout arrangé à l’amiable entre la Scolastique et la Philosophie, entre les ténèbres du Moyen Age et les lumières de cet Age-ci, entre la foi et la raison…

Les esprits absolus n’accepteront probablement pas les décisions onctueuses, gracieuses et officieuses de M. Jourdain, car les esprits absolus n’acceptent rien et veulent tout prendre, mais l’Académie les a acceptées. Qui pourrait s’en étonner n’aurait pas lu M. Jourdain ? Correct et grave, mais surtout très-grave, ayant même l’avantage d’être lourd parfois, ce qui ajoute encore à la gravité, cette fortune des écrivains actuels ! M. Jourdain n’a ni une seule expression pittoresque, ni une seule expression incisive, ce qui serait une indécence en métaphysique. Esprit de juste milieu qui se démène, — rendons lui cette justice, — pour être juste, il reste milieu, mais non juste, à peu près en toutes choses, et c’est par là qu’il a triomphé ! Avec son style naturellement sans couleur, ce style blanc et doux que l’abstraction a blanchi encore, il n’a fait aucun mal aux yeux des hommes à conserves qui avaient