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de cette morale, écrite seulement dans nos cœurs, et peu importe par quelle main !

L’homme n’est pipé que par les idées les plus simples. Tout système de philosophie a des complications qui n’entrent pas facilement dans l’esprit de l’homme, ou des parties tellement ridicules (Voyez comme exemple seulement, les Monades du grand et sage Leibnitz !), que décemment il ne peut les admettre, sans être lui-même un philosophe apte à avaler tout, en fait d’énormités. Mais ce moralisme faux qui ne se réclame pas d’une théodicée, — une théodicée, c’est de la théologie philosophique, — ce moralisme facile à comprendre, lavé et brossé de tout mysticisme, brillant et transparent comme le vide, qui prétend n’être rien de plus que la constatation d’un pur fait de conscience, et comment ne pas admettre un fait ? ce moralisme, positif et bon garçon, est la plus dangereuse erreur qu’il y ait pour le commun des hommes, parce qu’elle est de niveau avec eux et qu’elle entre, sans avoir même à lever le pied, dans la majorité des esprits. Eh bien ! c’est ce moralisme que professe aujourd’hui M. Martin, comme M. Jules Simon et tant d’autres ! Et encore je crois que M. Martin, avec son air posé et doux (je ne dirai pas son air de colombe, mais de bon gros pigeon pattu et pas trop rengorgé dans son jabot dormant), est plus résolu et tranche plus net que M. Jules Simon, lequel me fait l’effet d’être bien empâté encore de déisme et de traîner après lui quelque chose de ce pot au noir de fumée.

M. Martin, lui, est parfaitement et tranquillement et sereinement athée, comme un mandarin à quarante boutons ! Dans l’avant-propos de son livre il a défini,