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abeille qui bouchait les trous qu’elle faisait avec du miel.


III

En effet, le critique était prêtre, et jamais il ne l’oublia. Sa charité pour le moins égalait sa science. Ce ne fut point une polémique passionnée et personnelle qu’il commença avec les historiens du dix-neuvième siècle, qui s’étaient trompés ou avaient trompé sur l’Église ; ce fut une chasse, non aux hommes, mais une chasse implacable seulement aux textes faux, aux interprétations irréfléchies ou… trop réfléchies, aux altérations imperceptibles. Il chassa tout, en fait d’erreurs, la grosse et la petite bête, et parfois même il préféra la petite, comme plus difficile à tirer ! Il fut incroyable d’adresse, de sagacité et d’acharnement, mais il respecta les personnes, et pour nous, qui n’avons pas ses vertus, il les respecta trop. Ce lynx de texte, qui déchiquetait si bien en détail les livres de ce temps, se fit myope, plus que myope pour les défauts et les délibilités de l’auteur ! Il se fourra les deux poings de sa charité dans les yeux !

Et cela fut quelquefois si fort qu’on put le croire un badaud en hommes, cet esprit si fin et si avisé en textes, ou bien, sous forme dissimulée, un moqueur. Les hommes qu’il a surfaits tout en vannant leurs œuvres, n’ont pas, eux, vu la moquerie, mais ils ont pris l’admiration, et cela les a consolés de la critique. Les hommes sont si petits ; ils tiennent si peu à la vérité