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parlant d’elle. Ces deux sentiments peuvent seuls expliquer ce qu’elle a écrit. Ainsi sa vanité qui faisait roue de paon éternelle avec tout, même avec ce qu’elle eût dû cacher, lui dicta son roman intitulé Lui, comme sa haine révolutionnaire lui fit écrire ses deux romans, les Derniers Marquis et les Derniers Abbés, et son livre qui veut être de l’histoire et qui n’est que du pamphlet, l’Italie des Italiens.. Seulement, chose très particulière, c’est peut-être la première fois que l’exaspération des sentiments ait produit des livres de si peu de puissance. Ordinairement, elle est plus féconde, l’intensité ! L’Italie des Italiens est le dernier livre de Mme Colet, et grâce aux événements qu’elle retrace et qu’elle rend très suspects, en les racontant, comme elle les raconte, car quelle est sa moralité pour qu’on la croie ?.., c’est le seul de ses livres qui surnage encore un peu au-dessus du gouffre d’oubli dans lequel tout son fatras, poétique et romanesque, a sombré.

Et à commencer par son roman intitulé Lui, ce scandale, imité d’un autre scandale, dont les personnages, aux noms seulement défigurés pour qu’on les reconnaisse tous, ne vivent plus maintenant, à l’exception d’un seul… Ce qui prouve la radicale nullité des femmes, en fait d’invention, c’est qu’elles n’ont dans la tête qu’un roman et c’est le leur, celui de leur vie. Mme Colet n’a pas fait exception à cette loi. Mme George Sand dont, toute sa vie, Mme Colet fut l’envieuse, avait publié le livre d’Elle et Lui, dans lequel cette bâtarde de Rousseau se confessionnait et déshonorait le grand poëte qui s’était mésallié, en l’aimant. Mme Colet, jalouse trois fois, jalouse du talent de la femme, de sa folle renommée et du succès matériel de son livre impudique et honteux, raconta à son tour son histoire avec le même poète, fière, comme une femelle de chacal, d’avoir touché au morceau laissé par la lionne ! En la racontant du reste, elle y mêlait l’histoire de quelques autres et faisait, autour d’elle, un moulinet de plusieurs basses et