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race de celles à qui les révolutions coupent très-bien la tête, et qui venait par curiosité exposer la sienne. Trop spirituelle et trop grande dame pour avoir l’enthousiasme d’une Vésuvienne, — mais ennuyée, — probablement, — et curieuse, — à coup sûr, — voulant voir et croyant à peine ce qu’elle voyait ; moqueuse fille d’Ève tentée du démon sentimental des grandes réformes, et qui eût joué le vieil Eden pour une expérience, c’était Mme la princesse Trivulce de Belgiojoso. Tant que dura le siège de Rome, elle soigna les blessés de ses mains d’Yseult ; et, sœur de charité volontaire, montra cette coquetterie du dévouement et du danger dans laquelle se retrouve la femme de race, mais que les anges de saint Vincent de Paul ne connaissent pas. Plus tard, la révolution terminée, l’expérience faite, le rêve envolé, Mme la princesse de Belgiojoso quitta l’Europe, et sans fracas, sans cris de vaincu, sans mauvais goût d’aucune sorte, comme une femme qui s’enveloppe dans son voile et sort du spectacle, elle s’en alla promener de nouvelles curiosités ou son désenchantement en Asie. L’exilait-on ? S’exilait-elle ?

Braves aventuriers de la philanthropie
Pouvez-vous donc vous croire exilés quelque part ?


Mais, exil ou voyage, désenchantement ou curiosité alors, c’est le désenchantement qui nous revient aujourd’hui dans le livre que Mme de Belgiojoso publie. Sous sa forme simple, détachée, élégante, tombée d’une plume oisive dans un jour d’amabilité sans bruit, il y a le désenchantement et sa nuance la plus délicate, et le désenchantement tout seul !


II


Et tant mieux, du reste, qu’il n’y ait pas davantage ! Tant mieux pour nous et pour le livre que ce sentiment