Page:Barbey d’Aurevilly - Les Bas-bleus, 1878.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mauvaise à entendre, et compromettante pour qui la fait… Certes, je ne veux pas ici nier la pureté d’intention, ni même la ferveur d’âme de l’auteur d’Au lit de mort mais je dis que, même après la péripétie de la conversion, on n’a peut-être point dans cette dramatique famille Dumas, une idée bien nette de la sainteté ! Or Mme Marie-Alexandre Dumas, qui n’a point de nom en religion, et qui n’oublie pas en public de prendre celui de son père, est Dumas et n’est que Dumas de pied en cap, depuis la pointe de ses beaux cheveux qu’elle n’a probablement pas coupés, jusqu’à la pointe de ses bottines, si elle en porte encore, au lieu de sandales ! — ce que je croirais.

Qui dit Dumas dit art dramatique et préoccupation dramatique. L’art dramatique porte en dehors, avec calcul, avec coquetterie, avec éclat, avec effraction ! Contrairement à l’art dramatique, la sainteté porte-t-elle en dedans ? La sainteté se recueille, se retire, cache sa main gauche avec sa droite, prie et médite au lieu d’écrire, et ne publie pas de roman ! fût-ce au lit de mort, sans calembour. Mme Marie-Alexandre Dumas est devenue chrétienne, je le veux bien, et j’en suis aise, mais elle est chrétienne comme elle est Dumas ! comme elle a été mondaine autrefois et même comme elle a été ménagère, quand elle mettait une robe de velours et passait un poignard à sa ceinture pour aller payer une note chez son épicier, tant l’effet dramatique est de race chez ces Dumas ! Aujourd’hui, dans ce roman qui veut être un livre pieux, Mme Marie-Alexandre Dumas se peint en robes de cachemire blanc, avec capuchon, — le costume dramatique ! — et s’y fait dire, tout le long du livre, par sa femme de chambre (un peu idolâtre, cette femme de chambre, avec des pantomimes bien vives !) : « Comme Madame ressemble à un ange ! » Ce que ne dit pas une seule fois à sa maîtresse la femme de chambre de cette mondaine coupable qu’on appelle Mme Almaviva. — Dans ce livre d’Au lit de mort, que Mme Sand