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l’analyse de ces insignifiances, car, après tout, la vertu, pour moi, n’est pas une platitude, et, comme les femmes, elle doit avoir des rondes-bosses, et je ne suis pas un secrétaire perpétuel de l’Académie !

Du reste, comme détails dans ce livre, nul d’idée et de sentiment, il y a la description, morte comme une description de gazette, du carnaval à Naples et celle du Vésuve en feu, — deux lieux communs en Italie ! Chose particulière ! Mme Augustus Craven, qui n’a plus dans tous ces livres, écrits à froid, la palpitation de cœur qui lui tient lieu de tout dans le Récit d’une sœur, est, dans la langue, d’une indigence d’imagination véritablement lamentable. Dans tout son livre, il n’y a pas une image qui lui appartienne en propre. La couleur est ce qui lui manque le plus. Son style, qui est celui d’une femme d’esprit, usagée aux livres, et qui, par conséquent, s’est frottée à beaucoup de styles, ressemble à cette écriture américaine et égalitaire, correcte et même jolie, mais qui est la même sous la plume d’une duchesse que sous la plume d’une fille de comptoir qui fait les additions au restaurant. Moraliste bien plus que romancier parce qu’il suffit, pour être moraliste, d’avoir un peu souffert pour son propre compte, et qui n’a pas souffert ?…, Mme Augustus Craven est une dentelière de métaphysique sentimentale, à la manière des femmes qui s’analysent sans cesse et, moralement, se regardent perpétuellement l’ombilic. Le Mot de l’énigme, tout analyse et tout récit, sans aperçu, sans caractères, presque sans visages, car les personnages de ce roman ressemblent à des comparses, est du bavardage sans légèreté, sans le moindre petit mot pour rire, ah ! bien ! oui ! gémissements et larmoiements partout, quand ce n’est pas amour et scrupule ! Assurément, c’est de la littérature honnête et même élevée, mais trop lacrymatoire, à l’usage des gens que l’ennui des choses honnêtes, ennuyeusement exprimées, ne dégoûte pas de l’honnêteté. C’est du Guizot mêlé de Swetchine ; mais