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nement, elle le courbe sur des cartes militaires, ce vieux professeur fatigué de littératures comparées ! Au 17 septembre, elle écrit : « Mon mari a passé la nuit sur les cartes. » Au 19 décembre, au moment le plus palpitant, le plus étouffant de cet horrible siége, elle note comme un fait consolant pour elle et digne de la situation, que Berthall a fait aujourd’hui la photographie de son mari. » À la page 177, elle va jusqu’à citer des vers de son mari, des vers badins, ma foi ! quoique la situation ne fût pas badine alors, et dans lesquels il daigne plaisanter avec les obus, cet aimable grand homme ! Ô Archimède à Syracuse, tu es enfoncé ! et pourtant il a la bronchite dans ce moment-là, le grand Edgar Quinet ! La bronchite s’est abattue sur lui comme les autres fléaux sur Paris, et voilà la femme qui a mal à la gorge de son mari comme Mme de Sévigné à la poitrine de sa fille ; et nous restons là, Dieu du ciel, situation terrible ! entre cette bronchite et le bombardement ! Enfin elle se fond tellement en son mari, ce modèle des femmes qui aiment le leur, qu’elle finit par dire notre esprit, du sien, comme la servante du vieux célibataire, dans Collin d’Harleville, dit notre maison. « Le 24 janvier au soir (écrit-elle), l’horrible éventualité de la capitulation se présenta à notre esprit. » Mais plus tard, ni l’accablante capitulation, ni les derniers écrasements de nos pauvres armées ne l’empêchent, à la page 359, d’écrire cette froide réclame d’une plume sensée, qui sait que le fin et le contre-fin de tout est la réclame dans ce noble temps : « Lacroix vient d’emporter les manifestes d’Edgar Quinet pendant le bombardement. ILS VONT paraître sous le titre du Siége de Paris et de la Défense nationale. Il a ajouté, au milieu des préparatifs et des agitations du départ, une courte préface où il professe hautement que ces cinq mois sont les plus beaux de l’histoire de France ! » — Par exemple, il s’y connaît, le grand Quinet !