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juguent ailleurs. Tendant à l’émancipation universelle de leurs personnes ; de libre conduite comme de libre pensée, hardis comme des enfants qui jouent à l’homme, ils ont, ces aimables bas-bleus, en général, l’esprit fortement célibataire et les mœurs légèrement mormones. Mais tel n’est point le cas de Mme Quinet, la Baucis de M. Philémon-Quinet, et qui, depuis des années, l’adore et l’admire, ce que je trouverais très-bien, de moralité édifiante et de difficulté vaincue, si elle ne voulait pas nous le faire admirer, à nous qui n’avons l’honneur ni le bonheur d’être la femme de M. Quinet et de partager son nom et sa gloire ! À tout bout de champ de ce livre, intitulé : Paris, — journal du siége — et qu’il faudrait intituler : Quinet, et ses exploits pendant le siége — elle ne nous parle que de M. Quinet, le grand patriote, le grand exilé et le grand revenu ; le grand homme et le grand mari dont elle est la grande femme, car on doit communiquer de sa grandeur à sa moitié, quand on est si grand ! Jamais Mme de Staël, fille Necker, qui, comme on sait, vit toujours son père à la loupe, le faisant grand de ce qu’il était gros, le gros Suisse ! jamais Mme de Girardin, qui, dans une pièce de vers célèbre, nous fit, de son mari, le plus grand homme de France, sous la dictature de Cavaignac, n’ont eu d’enthousiasme d’un calibre comparable à celui que Mme Quinet a pour M. Quinet, son époux, tout le long de son livre du Siége de Paris. La Fontaine a dit quelque part : « Bref, il m’enquinauda. » Mme Quinet, elle, est, je le conçois, enquinétisée ; mais qu’elle veuille aujourd’hui nous enquinétiser comme elle, franchement, c’est un peu trop fort d’amour conjugal !

Impossible de nous laisser faire ! Impossible de nous prendre à tout ce qu’elle nous dit de ce mari qui, pour elle, est le plus grand des hommes ! Nous l’avons trop lu ; nous le connaissons trop, pour nous chauffer à ce bois de cannelle, à cette flamme d’encens dont elle parfume son époux bien-aimé Quinet ! Cette Chinoise