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Je l’ai déjà dit une première fois, à propos des Horizons prochains, la femme qui écrivait ces choses où l’amour de Dieu s’élevait déjà à une passion inconnue à tant d’âmes qui croient l’aimer pourtant, appartient de toute éternité, à nous autres catholiques, qui avons la vraie religion de l’amour ! Mais, je le dis bien plus haut après la lecture de ces Horizons célestes où l’amour déborde et submerge tout, la femme, la religieuse femme qui a écrit ceci, qu’a-t-elle qui la sépare de nous ? Comme nous, elle adore Jésus-Christ ; comme nous, elle croit à la prière, à la toute-puissante efficacité de la prière, et à la rédemption du péché par le sacrifice.

Quand elle est le plus protestante, dans ce livre qu’elle publie aujourd’hui, elle prend la lettre des Écritures et l’invoque et la cite avec une simplicité d’enfant, au lieu de la torturer pour y chercher l’esprit qui n’y est pas, comme tant de protestants dans leurs gloses orgueilleuses. Il n’y a donc plus qu’un rien qui la sépare de nous, mais ce rien restera-t-il donc tout pour elle ?… Elle qui sait aimer Jésus-Christ, ne sera-t-elle pas tentée par ce qui doit ravir les âmes comme la sienne, qui comprend tous les plus violents miracles de l’amour ? Ne sera-t-elle pas tentée par cette grande et mystérieuse possession du corps et du sang de Notre-Seigneur par le moi, et, pour parler comme elle, le moi tout entier !… Elle qui a voulu nous donner une idée du paradis qu’elle rêve, au lieu de nous en écrire un livre et un à peu près comme aujourd’hui, n’en fera-t-elle pas un jour descendre, avec l’hostie sainte, le sentiment complet dans son cœur ?