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chains n’en est pas moins de cet esprit aérien, mouvementé, épanoui, que le monde adore et qu’il appelle l’esprit du diable, — qu’il a tort de nommer ainsi, mais qu’il a raison d’adorer. Facultés contrastantes, électriques, multiformes, elle est vive comme Mme de Staël, mais non triste, car les êtres faits pour la lumière sont très-gais, telle nous la voyons aujourd’hui dans ses Horizons prochains et à travers son anonyme. En parlant du livre qu’elle nous tend du fond de son voile, ce que nous aurions désiré, c’eût été de donner une idée, à peu près juste, de cette aimable femme qui quête aux cœurs au nom de sa foi ; de cette sirène religieuse pour le compte de Dieu !

Dans tous les cas, lisez son livre. C’est un livre imparfait littérairement, mais d’une grande séduction d’accord, pour bien des âmes irrésistible ! Tout imparfait qu’il est, il renferme deux ou trois chefs-d’œuvre, gros comme rien, suaves comme tout. Nous avons cité les Trois Roses, mais les Trois Roses sont dans la teinte d’aurore familière à cette imagination qui se tient à la porte du Paradis, pour en recevoir les rayons. Dans une couleur plus sombre et plus terrestre, il y a un Pauvre garçon qui commence, net, cru et observé comme un conte de Crabbe, — qui se transforme et s’illumine dès que l’Évangile entre dans le grenier du scrofuleux, — puis finit brusquement dans une beauté vraiment tragique.

Il y a encore le Forçat dont le dénoûment est d’une réalité si profonde, et où vous trouvez ce que l’auteur ne cesse de mettre partout dans ses récits, du reste, — les délicatesses surhumaines de la charité. Lisez, enfin, ce livre exquis, mais qui n’est pas exquis à la manière des livres littéraires, car le charme en vient de la femme et de la nature.

L’auteur, nous l’avons vu plus fort, plus peintre, plus savant de touche dans Michelet, avant que Michelet eût dégradé sa palette ; mais ce que nous n’avons vu nulle part, c’est la tendresse infinie qui imbibe ces