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vous y méprendrez : « C’est là, dit-elle, qu’on est bien perdu ; c’est là que s’exhalent de ces parfums sans nom, fraîches émanations de la terre, des vieux troncs, de la jeune feuillée. Vaste est la cage, l’ombre est toute pénétrée du soleil. Pas une brise, si ce n’est de temps à autre une bouffée, venue on sait d’où, qui soulève un peu la ramée, promène çà et là des senteurs plus suaves, puis tombe et vous laisse enivré. » Et ailleurs, après avoir peint la forêt et son monde de bruits, elle s’avance au point du fourré où il y a le calme. Le calme absolu. « Seul le coucou promène sa plainte de cachette en cachette. Elle arrive voilée. Le silence n’en est pas troublé. »

« Le martin-pêcheur, dit-elle encore, rase l’eau de son aile ; éclair bleuissant, il en suit le cours. » Le livre entier est de ce style, de ce pinceau, sans défaillance. On voudrait citer davantage ; l’espace manque, mais partout de la première page jusqu’à la dernière, c’est du Michelet qu’on croirait sincère, tant il est réussi ! Cependant, ne nous y trompons pas. C’est ici que l’auteur des Horizons prochains va gagner en s’élevant une originalité relative ; elle est un Michelet assaini, essuyé, clarifié, brillant d’une pureté que rien ne ternit et qui par ce côté écrase l’écrivain qu’elle rappelle et lui eût fait honte à lui, dont les dons étaient si beaux et qui en a tant abusé, s’il avait pu se regarder tel qu’il aurait pu être, dans ce miroir, tout ensemble faux et fidèle, taillé dans le diamant qu’il n’avait plus !


III


C’est par la pureté, en effet, c’est par l’immaculé de la pensée, l’adorable chasteté de la chrétienne, c’est par l’âme enfin, l’âme de la femme, que l’auteur des Horizons prochains l’emporte sur l’homme qu’intellectuellement, sans le vouloir ou le voulant, elle a subi ou accepté pour son maître. Comme toutes les femmes qui, dans le