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l’éclat de la forme ou l’enthousiasme de la pensée et qu’être mâle, c’est pour elle ce qu’était être vif pour cet Allemand, qui, voulant prouver qu’il l’était, sautait par la fenêtre avec la légèreté d’un bœuf ! Moins aimable, il est vrai, que cette femme amoureuse, qui pleurait devant un miroir et disait à chaque larme : « Pleuré-je bien comme Julie d’Étange ? » Mme Stern, à chaque sécheresse ou à chaque froideur de sa plume, se dit : Suis-je assez mâle comme cela ?… Et comme à ses yeux parmi les hommes, les plus mâles dans l’ordre intellectuel et moral sont les plus savants, les plus philosophes, les plus puritains, elle se fait, à bras raccourci, savante, philosophe, puritaine. Savante, elle avale le hollandais, fâcheuse pilule ! Philosophe, elle se beurre d’allemand jusqu’au nœud de la gorge — et je dis bien, car elle doit avoir la pomme d’Adam, cette mâle femme-là ! — et puritaine, elle écrit l’histoire des républiques pour faire la leçon aux monarchies et pour prouver sa vertu politique, à elle…

Gymnastique qui doit être fatigante, n’est-ce pas ?…, Mais que voulez-vous ? Il faut être homme ! Il faut devenir, en se travaillant, de nerveuse une musclée, et de femme qui pouvait plaire, un être déplaisant qui n’est pas même un homme déplaisant. Il faut enfin que le chameau passe à travers le trou d’une aiguille ! Mais la nature des choses est la plus forte. Il n’y passera pas !


VIII


Le livre, en effet, cette histoire, est manifestement un livre de femme, malgré toutes les peines que l’auteur se donne. Il est de femme, par le manque d’aperçu, de profondeur, d’originalité, de vigueur enflammée ; qualités viriles que les femmes n’ont pas, parce qu’elles en ont d’autres, la grâce, l’élégance, la finesse, le coloris doux, la tendresse, l’inattendu, la sensation vive que