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lade se gonfler contre le sien à chaque respiration longue, pénible, saccadée, comme si elle avait été oppressée d’amour, cette nuit où il y avait du crime et des plaisirs par toute la terre, lui fit boire des pensées coupables dans son air tiède et dans sa rosée. Toute cette nature étalée là aussi semblait amoureuse ! Elle lui servait une ivresse mortelle dans chaque corolle des fleurs, dans ses mille coupes de parfums. Pleuvaient de sa tête et de son cœur dans ses veines et y roulaient comme des serpents, des sensations délicieuses, altérant avant-goût de jouissances imaginées plus délicieuses encore. Ses mains s’égarèrent comme sa raison. L’une d’elles se glissa autour de la taille abandonnée de la jeune fille, l’autre passa sur ses formes évanouies une pression timidement palpitante.

À force d’émotion, il craignait que l’air ne manquât à ses poumons. Tout plein de passion frissonnante, il avait peur de se hâter dans son audace, — un cri, un geste, un soupir de cette enfant accablée pouvait le trahir. Le trahir ! car il savait bien qu’il faisait mal, mais la nature humaine est si perverse ; elle est si lâche, cette nature humaine, que son bonheur furtif devenait plus ébranlant encore du double enivrement du crime et du mystère.