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d’elle ; il y restait silencieux sous le poids écrasant de ses pensées, écoutant dans son cœur cette vie intérieure qui ne fait pas de bruit tant elle est profonde, ces tempêtes sourdes qui bouleversent et qui n’ont pas même un murmure. Il n’entendait point les paroles qu’échangeaient Mme de Saint-Séverin et Amédée, assis plus loin, et dont les doigts crispés arrachaient alors les feuilles d’un oranger avec le mouvement âpre d’un homme qui dissimule sa souffrance. Leur conversation était insignifiante ; entrecoupée de silences fréquents et longs, elle roulait sur quelques chétifs accidents de la soirée comme la douceur du temps ou le tintement d’une cloche au fond du paysage. Nous tous qui avons vécu, nous les avons prononcées, ces paroles qui n’expriment rien, avec des voix altérées, pour voiler nos inquiétudes et nos peines à qui les causait. La soirée s’avançait ainsi. Déjà la frange cramoisie qui bordait le ciel à l’horizon était toute rongée, et le vent apportait, par bouffées, ces trésors de parfums cachés dans le sein des fleurs, et qui y ont été déposés pour faire oublier, pendant la nuit, aux hommes, la perte du jour. Le banc occupé par Léa, Réginald et Mme de Saint-Séverin, était entouré et surmonté de beaux