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ont juste ce qu’il faut pour réussir dans le monde : un caractère de jonc, des formes élégantes, de la beauté, de l’esprit, — et de celui-là qui ne fâche personne parce qu’il manque d’originalité. Quant à des passions violentes, jamais les amis de Dorsay ne s’aperçurent qu’il en entrât le moindre germe dans son organisation. Il est vrai que Dorsay se mettait souvent en colère contre son jockey, contre son cheval, contre les plis de sa cravate quand ils n’allaient pas comme il l’entendait, qu’il jouait son argent avec des couleurs sur les joues et qu’il ne perdait pas sans émotion, qu’il se grisait parfois de champagne et de punch, et qu’il savait supérieurement le prix d’une femme, depuis la grande dame jusqu’à la modiste. Mais dans tout cela y a-t-il une passion ? Y a-t-il vestige d’âme ? Nullement. Nous autres jeunes gens comme l’était Dorsay alors, nous n’avons qu’à prendre la jeunesse de nos pères à morale, la morale de position, aux cheveux maintenant grisonnants, nous verrons que les passions sont plus rares qu’on ne pense, et qu’à part quelques scènes de salon d’assez mauvais goût, un ou deux duels, peut-être, et force coucheries qu’on appelle de l’amour jusqu’à vingt-cinq ans avec un enthousiasme un peu niais, et qui ne