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ces réserves qu’elle avait l’art et la puissance de lui faire subir.

Dans ces moments-là, comme il se retrouvait plus de calme et qu’il pouvait mieux se juger, il convenait, avec une extrême bonne foi, que sa position vis-à-vis de la marquise ne lui faisait pas un honneur immense, et alors il se mettait à lui écrire des lettres pleines d’une passion vraie, et dans lesquelles il revenait toujours à ce vieux refrain de l’amour, à cette éternelle question, ce m’aimez-vous ? importun parfois, que le scepticisme des cœurs ardents pose encore, même quand on y a répondu.

Ces lettres étaient réellement très catégoriques ; elles poussaient la marquise jusque dans ses derniers retranchements. Il n’y avait plus là de main ou de taille laissée sournoisement pour gage du silence qu’on affectait, ou en expiation du rire incrédule dont on arme sa physionomie, traître rire si blessant pour les cœurs bien épris !

Tous ces moyens du Traité du Prince des femmes n’étaient plus de mise contre des lettres auxquelles il n’était vraiment pas possible de répondre autrement que par un aveu. C’est pour cela que Mme de Gesvres n’y répondait pas.

M. de Maulévrier avait d’abord pensé que cette répugnance à écrire, dont elle ne donnait pas plus de motifs que de tout le reste, était de