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pour l’amour et son genre d’éloquence que celui qu’on ne partage plus et dont on est persécuté. Il restait dans le cœur parfaitement insensible à tout cela.

La seule chose peut-être dont il fût touché était le déplorable état de santé de Mme d’Anglure, état de santé qui allait se détériorant de plus en plus.

Maulévrier ne croyait pas que l’on pût mourir d’un sentiment ailleurs que dans les ballades allemandes, mais il pensait que, même à Paris, un sentiment très exigeant et très malheureux pouvait influer sur la santé d’une femme naturellement délicate comme était Mme d’Anglure. Le spectacle qu’il avait sous les yeux, d’ailleurs, ne lui permettait pas d’en douter. Tous les accès de larmes de Mme d’Anglure finissaient par des évanouissements très réels. Quand elle avait parlé avec cet âpre mouvement des personnes dominées par la turbulence de leur propre cœur, une toux déjà ancienne, mais aggravée, lui causait des crachements de sang qu’elle regardait, en pensant que ce sang était versé par sa poitrine, avec le sourire fauve des êtres qui se voient mourir. Ces détails physiques touchaient bien plus Maulévrier que le sentiment qu’elle lui donnait, et dont la prodigieuse énergie avait résisté à l’énervation des salons.

La pitié de l’amant était détruite, mais la