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C’est cette violation du droit monarchique dont Saint-Simon a été le témoin indigné, lui, l’homme historique par excellence, l’homme monarchique jusque dans les moëlles, — comme il dirait, — c’est cette violation dont il a vu, de son œil d’aigle, les conséquences mortelles, qui lui a fait écrire ces deux splendides Mémoires, — l’un sur les bâtards légitimés de Louis XIV, l’autre sur la renonciation à la couronne de France, quand Philippe V prit la couronne d’Espagne. De ces deux Mémoires, bourrés de faits et de raisons et qui sont des revendications en faveur des traditions et des coutumes qui faisaient le droit public de France, celui sur les bâtards légitimés est incontestablement le plus beau, et on conçoit que, pour nous surtout qui faisons de la littérature, ce soit le plus beau. La bâtardise, qui est le sujet de ce terrible Mémoire, prenait à la gorge tout ce qu’il y avait de principes, de moralité, de sentiments et d’idées dans l’âme et dans l’esprit de Saint-Simon, et voilà ce qui a fait pousser à cet homme de monarchie la longue et douloureuse clameur qu’il pousse le long de cet admirable Mémoire, aussi puissamment, aussi désespérément que l’agonie du cor de Roland, à Roncevaux !