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II

Or, en quelques mots, voici cette histoire dont Edouard Drumont a tiré un parti charmant, mais trop doux…

Le duc de Saint-Simon mourait en 1755, insolvable et probablement ruiné par son ambassade d’Espagne, qu’il avait menée avec cette grandeur désintéressée et ce luxe que notre siècle, peu accoutumé à ces généreux spectacles, a pu admirer quand le duc de Northumberland vint, comme ambassadeur d’Angleterre, au sacre du roi Charles X. À peine mort, les créanciers, qui sont les mouches de tout cadavre, s’abattirent sur le sien. Ils dévorèrent tout, mais les manuscrits leur échappèrent… Ils avaient été légués parle noble duc à son cousin, l’évêque de Metz, Saint-Simon comme lui, quand un ordre du Roi Louis XV et contresigné Choiseul confisqua ces manuscrits, comme Papiers d’État, au nom de cette raison d’État qui a le droit de rester mystérieuse et dont elle a souvent abusé. Cette question d’État, qu’on n’explique jamais, pour qui connaît la lâcheté humaine n’est guères que la peur ; et telle fut sans doute, vis-à-vis de Saint-Simon, celle de ce gouvernement de cotillons qui fut le gouvernement de Louis XV. Saint-Simon, en