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devint évêque de Gap. Son oncle était Abel Servien, copartageant avec Fouquet de la surintendance des finances… À l’âge où l’on est encore dans les Pages, Hugues de Lionne était dans les affaires. Il commençait déjà de glisser vers le pouvoir, le long de cette pente de velours qui fut le tapis sur lequel il a toujours joué… Son mérite, en fleur (il en avait un), fut tout de suite discerné. Il eut cette rare chance d’être deviné et apprécié par trois grands hommes d’État qui se connaissaient en hommes : — Richelieu, Mazarin, Louis XIV, — le Dieu en trois personnes de la Monarchie absolue ! Les deux derniers le couvrirent d’honneurs et d’argent. Ils allèrent jusqu’à le chamarrer des Ordres du Roi, alors la dignité suprême, et l’ornementèrent de ce cordon bleu qui paraissait le ciel même à ceux à qui on le passait autour du cou. Ils firent enfin de lui un Magnifique. Il ne les avait pas attendus pour cela. Il l’était déjà de nature, mais ils l’achevèrent… Né de tempérament grand seigneur, il en avait les mœurs déboulonnées et fastueuses : la main libérale, prompte au bouton et au teston. Lionne dut tirer souvent de cette qualité de grand seigneur, qui est peut-être un vice, un parti énorme ; car, en affaires, les hommes sont subjugués par l’aisance, la largeur sceptique, les grandes manières, qui sont parfois de grandes impertinences, et un jugement qui passe à cent pieds au-dessus de toutes choses. Or, il avait ces dons respectés par la médiocrité humaine.