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Henri le Grand, et les romanciers ou les chansonniers le bon Henri. Nous ne l’avons trouvé ni bon ni grand, nous, en ce livre consacré à une maîtresse qui meurt du chagrin qu’il lui cause, et qu’il remplace quelques jours après. Bon, il la tue de désespoir, puis il l’oublie ; grand, il meurt du coup de couteau qu’une politique qui allait de l’abjuration à l’Édit de Nantes aiguisa sur les deux tranchants ; et il trouve sa gloire dans des projets de gloire, l’intention — et c’est la première fois en histoire — étant réputée pour le fait ! Voilà donc sa bonté réelle, et, comme roi, sa réelle grandeur. Comme vous voyez, c’est peu. De tout cet Henri IV de Pont-Neuf, d’illusions et de préjugés, il reste le vrai, le Henri de Capefigue, cet Henri d’une duplicité gausseuse, de cette duplicité qu’il opposa à tout dans la vie et même à lui : car, sans l’indiscrétion de sa raillerie, il eût été facilement hypocrite. Il l’eût été facilement en sensibilité morale, car on croit fort bien du sentiment la sensualité qui a la séduction des larmes, et il l’aurait été tout aussi aisément en politique, car entre Tartuffe et celui qui a dit : Paris vaut bien une messe, ou : C’est mardi que je fais le saut périlleux, y a-t-il vraiment autre chose que l’épaisseur de quelques mots ?