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où le mouvement se prononça le plus (nous allons voir tout à l’heure avec quelle vigueur), ce qui se passa à Caen donne l’idée de ce qui se passa dans les autres villes, et cela fait véritablement pitié.

Le mouvement fut digne de ceux qui l’avaient inspiré ou qui le fomentèrent, de ces principaux chefs de la Gironde, proscrits du « déplorable 31 mai », comme dit Vaultier, collégiens réussis qui furent des politiques manqués, et qui, le doux Vaultier lui-même l’affirme, n’ont compris ni les hommes, ni les événements, ni le jeu des intérêts sociaux : rien que cela ! Ils étaient à Caen au nombre de vingt-deux. Barbaroux, Bergoing, Boutidoux, Buzot, de Cussy, du Châtel, Giroust, Gorsas, Guadet, Kervélégan, Larivière, Le Sage, Louvet, Meillan, Mollevaut, Pétion, Salles et Valady. C’est Vaultier qui nomme ces atomes. À l’exception de Barbaroux, de Guadet, de Louvet et de Pétion, l’histoire dédaigne d’écrire cette poussinière de noms déjà repris par le juste oubli. Ce n’est pas tout. Vaultier nous a laissé de petits portraits, encore trop grands, de ces mirmidons, dont le plus grand homme fut Louvet, l’auteur de Faublas. Il n’y a que pour Barbaroux qu’il ait gardé la tendresse d’une camaraderie de jeunesse. Il souscrit au mot ivre de Valady : « Barbaroux, cet étourdi sublime, qui dans dix ans sera un grand homme. » Sa mort l’empêcha de tromper cette espérance : les dix ans ne seraient jamais venus !