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se prit. Puis, quand elle l’eut bien cerné, enveloppé, garrotté presque d’assassins postés à toutes les portes du palais dont il fallait sortir, elle attendit cette sortie inévitable, — qui eut lieu enfin, et elle se vengea en buvant lentement sa vengeance. Elle le tenait… mais elle voulut savourer l’amour et la haine dans cette scène dernière, et elle le massacra en détail. Lui fit la plus fière des contenances, — une contenance à la Kœnigsmark, — et comme, en mourant, ce dernier chevalier de cette maison de chevaliers attestait l’innocence de Sophie-Dorothée, elle lui ferma la bouche avec son pied. C’est cette marque de pied sur sa bouche sanglante qui fera désormais ta Kœnigsmark, dans l’Histoire, une physionomie qu’on n’oubliera plus !

Voilà, en aussi peu de mots que possible, le sujet touché par Blaze de Bury, la tragédie mise par lui en camée et à laquelle il fallait laisser ses colossales proportions. Blaze de Bury n’a été ni assez historien, ni assez moraliste, ni assez poète, pour traiter ce sujet, révélé dernièrement par des curieux allemands et anglais, des alchimistes historiques qui cherchent l’inconnu et le trouvent parfois. Son mérite actuel a été de savoir l’anglais et l’allemand, — ce qui est honorable et souvent utile, mais ce qui n’est pas tout, car le mot célèbre de Charles-Quint n’est pas vrai en littérature… Dans ce mystère dévoilé de la mort du comte de Kœnigsmark, que de questions à tenter un