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rissant dans le plus affreux des sépulcres : une maison de fous ! était une raison de plus pour m’en donner le spectacle. C’est si bon de tremper son cœur dans le mépris des choses humaines, et entre toutes, de la gloire qui gasconne avec ceux qui se fient à elle et qui croient qu’elle ne peut tromper !

Il fut donc un jour où je pus le voir, ce chevalier Des Touches, et raccorder dans ma pensée sa forme jeune, svelte et terrible, comme celle de Persée qui coupe la tête à la Gorgone, et la figure d’un vieillard, dégradé par l’âge, la folie, tous les écrasements de la destinée. Ce que je fis pour cela est inutile à dire, mais je pus le voir… Je le trouvai assis sur une pierre, car depuis longtemps il n’était plus fou à lier, dans une cour carrée, très-propre et très-blanche, avec des arceaux à l’entour. Depuis qu’il n’était plus méchant, on l’avait retiré des cabanons et on le laissait vaguer dans cette cour, où des paons tournaient autour d’un bassin, bordé de plates-bandes qui étalaient des nappes de fleurs rouges. Il les regardait, ces fleurs rouges, avec ses yeux d’un bleu de mer, vides de tout, excepté d’une flamme qui brûlait là sans pensée, comme un feu abandonné où personne ne se chauffe plus. La beauté de la belle Hélène, de cet homme qui avait été plus célestement beau que la belle Aimée, avait dit