Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

milieu de tout cela, vu quelques-unes de nos mains se crisper sur le canon des carabines, gardez votre poudre pour des soldats… Souvenez-vous, monsieur de La Varesnerie, que je n’ai voulu les Douze de la Délivrance que pour être les témoins de la Justice ! Moi seul, je me charge du châtiment… Pierre le Grand, qui me valait bien, que je sache, a été souvent, dans sa vie, à la même minute, le juge et le bourreau. »

Nul de nous, qui l’entendions et qui le regardions, ne comprenions ce qu’il voulait faire ; mais pour tenter seulement de faire ce à quoi il pensait, il fallait être un miracle de force…, il fallait être ce qu’il était !… Il resta, d’une main tenant cette tête de taureau du meunier et il la plaça entre ses deux genoux, en montant brutalement à cheval sur sa nuque… Nous crûmes qu’il allait la luxer. Mais ce n’était pas cela encore, monsieur de Fierdrap ! Ce meunier avait une ceinture, une de ces ceintures comme en portent encore les paysans de Normandie ; tricots flexibles et forts, qui soutiennent les reins de ces hommes de peine, et nous dîmes : « Il va l’étrangler ! » en lui voyant dénouer cette ceinture de son autre main ; mais à chaque geste, nous nous trompions !

Non, ce fut quelque chose d’inattendu et de stupéfiant ! Il prit, ayant l’homme entre les genoux, une des ailes du moulin qui passait et