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ment le désordre à l’aide duquel on voulait exécuter l’enlèvement. Il s’agissait, en effet, de provoquer une de ces rixes qui sont contagieuses, qui finissent par entraîner les plus calmes dans la violence électrique de leur tourbillon. Les Douze eurent bientôt leur plan fait… Ils quittèrent Touffedelys un à un, et gagnèrent Avranches par les bois. Pour n’être pas reconnus, ces hommes suspects, et déconcerter l’œil allumé des espions de la République, ils avaient résolu d’entrer dans la ville par douze côtés différents, habillés en blatiers, vêtus comme eux de vareuses blanches et coiffés de ces grands chapeaux, dits couvertures à cuve, qui engloutissent une figure comme dans l’ombre d’une caverne. Ils les avaient saupoudrés de fleur de farine.

« — Puisque nous ne pouvons pas porter l’autre, ce sera toujours une espèce de cocarde blanche, à laquelle nous nous reconnaîtrons dans la foule, avait dit Vinel-Royal-Aunis. »

Il n’y avait pas eu moyen d’emporter des fusils ou des carabines. Mais quelques-uns d’entre eux avaient glissé dans une ceinture, sous leur vareuse blanche, des couteaux et des pistolets… Tous, du reste, tous s’étaient ceints, de l’épaule à la hanche, de ce redoutable fouet des blatiers, lesquels ont presque toujours deux ou trois chevaux chargés de sacs de blé ou de