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avions partout remplacé les lys par des lilas.

Des lilas, c’est peut-être des lis en deuil ? Oui, nous avions accompli tous ces sacriléges, nous avions consommé toutes les petites bassesses de la ruse qui joue la soumission résignée pour conserver à nos amis ce lieu de réunion et d’asile, doux et désarmé comme son nom, qui semblait la maison de l’Innocence, et dans laquelle on voyait moins les hommes et les armes derrière ces robes de femmes qui y flottaient toujours. Excepté les jardiniers, il n’y avait que des femmes à Touffedelys. Nous étions servis par des femmes.

C’est à l’aide de toutes ces précautions, de toutes ces coquetteries de douceur que nous avions pu faire de notre nid de palombes effrayées une aire momentanée pour ces aigles de nuit qui s’y abattaient comme Des Touches et comme M. Jacques. Seulement, vous le comprenez bien, la sécurité de tout cela n’existait qu’à la condition que les chouans qui s’abouchaient là pour comploter leur guerre d’embuscade n’y fussent jamais très-nombreux.

La prise de Des Touches fut l’unique dérogation qui ait été faite à cette règle. Mais les chefs comprirent l’imprudence d’une grande réunion, et ils égaillèrent leurs hommes. Quand un pays tout entier est hostile, les petites troupes valent mieux que les grandes. Elles