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au combat, et rien n’est plus faux. Nous avions avec nous des jeunes gens des villes, dignes de porter l’épée qu’ils maniaient très-bien, et Juste Le Breton était de ceux-là… Il avait été anobli par l’épée des gentilshommes qui l’avaient traité en égal, en croisant le fer avec lui dans plusieurs de ces duels, comme on en avait alors à Valognes, où le duel a été longtemps une tradition… Aussi, quand la chouannerie éclata, il vint à nous, cet anobli par l’épée, et il nous apporta la sienne ! La sienne était au bout d’un bras d’hercule. Juste était fort comme le chevalier Des Touches, mais il ne cachait pas sa force sous les formes sveltes et élancées du chevalier, qui faisait toujours cette foudroyante surprise, quand tout à coup il la montrait ! Non, c’était un homme trapu et carré, blond comme un Celte qu’il était, car son nom de Le Breton disait son origine. C’était un Breton mêlé de Normand. Sa famille avait passé en Normandie, et elle y avait oublié ses rochers de Bretagne pour les pâturages de cette terre qui a des griffes pour retenir qui la touche, car qui la touche ne peut s’en détacher ! Il semblait qu’il aurait fallu, pour tuer ce Juste Le Breton, lui jeter une montagne sur la tête, et il est mort en duel, après la guerre, comme nous avions cru jusqu’à ce soir que Des Touches était mort lui-même, et il est mort d’un misé-