Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus forte[1]. Aimer, même dans le sens le moins élevé de ce mot, désirer, c’est toujours dépendre, c’est être esclave de son désir. Les bras le plus tendrement fermés sur vous sont encore une chaîne, et si l’on est Richelieu, ― et serait-on don Juan lui-même, ― quand on les brise, ces bras si tendres, de la chaîne qu’on porte on ne brise jamais qu’un anneau. Voilà l’esclavage auquel Brummell échappa. Ses triomphes eurent l’insolence du désintéressement. Il n’avait jamais le vertige des têtes qu’il tournait. Dans un pays comme l’Angleterre, où l’orgueil et la lâcheté réunis font de la pruderie pour de la pudeur, il fut piquant de voir un homme, et un homme si jeune, qui résumait en lui toutes les séductions de convention et toutes les séductions naturelles, punir les femmes de leurs prétentions sans bonne foi, et s’arrêter avec elles à la limite de la galanterie, qu’elles n’ont pas mise là pour qu’on la respecte. C’était pourtant

  1. L’affectation produit la sécheresse. Or, un Dandy, quoique ayant trop bon ton pour n’être pas simple, est toujours un peu affecté. C’est l’affectation très raffinée du talent très artificiel de mademoiselle Mars. Si on était passionné, on serait trop vrai pour être Dandy. Alfieri n’aurait jamais pu l’être, et Byron ne l’était qu’à certains jours.