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Enfin, il inventa la devise même du Dandysme, le Nil mirari de ces hommes, ― dieux au petit pied, ― qui veulent toujours produire la surprise en gardant l’impassibilité[1]. Plus qu’à personne d’ailleurs le Dandysme seyait à Bolingbroke. N’était-ce pas de la libre pensée en fait de manières et de convenances du monde, de même que la philosophie en était en matière de morale et de religion ? Comme les philosophes qui dressaient devant la loi une obligation supérieure, les Dandys, de leur autorité privée, posent une règle au-dessus de celle qui régit les cercles les plus aristocratiques, les plus attachés à la tradition[2], et par

  1. Le Dandysme introduit le calme antique au sein des agitations modernes ; mais le calme des Anciens venait de l’harmonie de leurs facultés et de la plénitude d’une vie librement développée, tandis que le calme du Dandysme est la pose d’un esprit qui doit avoir fait le tour de beaucoup d’idées et qui est trop dégoûté pour s’animer. Si un Dandy était éloquent, il le serait à la façon de Périclès, les bras croisés sous son manteau. Voir la ravissante, impertinente et très moderne attitude du Pyrrhus de Girodet, écoutant les imprécations d’Hermione. Cela ferait mieux comprendre ce que je veux dire que tout ce que j’écris là.
  2. Et il n’y a pas qu’en Angleterre. Quand, en Russie, la princesse d’Aschekoff ne portait pas de rouge, elle faisait acte de Dandysme, et peut-être trop, car c’était un