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triomphe à peine de l’ennui. Nulle part l’antagonisme des convenances et de l’ennui qu’elles engendrent ne s’est fait plus violemment sentir au fond des mœurs qu’en Angleterre, dans la société de la Bible et du Droit, et peut-être est-ce de ce combat à outrance, éternel, comme le duel de la Mort et du Péché dans Milton, qu’est venue l’originalité profonde de cette société puritaine, qui donne dans la fiction Clarisse Harlowe, et lady Byron dans la réalité[1]. Le jour où la victoire sera décidée, il est à penser que la manière d’être qu’on appelle Dandysme sera grandement modifiée, si elle existe encore ; car elle résulte de cet état de lutte sans fin entre la convenance et l’ennui[2].

  1. En écrivains, elle donne aussi des femmes comme miss Edgeworth, comme miss Aikin, etc. Voir les Mémoires de cette dernière sur Élisabeth : style et opinion d’une pédante et d’une prude sur une prude et sur une pédante.
  2. Inutile d’insister sur l’ennui qui mange le cœur de la société anglaise et qui lui donne, sur les sociétés que ce mal dévore, la triste supériorité des corruptions et des suicides. L’ennui moderne est fils de l’analyse ; mais à celui-là, notre maître à tous, se joint pour la société anglaise, la plus riche du monde, l’ennui romain, fils de la satiété, et qui multiplierait le nombre des Tibère à Caprée, moins l’empire, si la moyenne proportionnelle des sociétés était composée d’âmes plus fortes.