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sienne. On ne l’a guères ménagée, cette pauvre comtesse, cette héroïne de l’amour vrai. On lui a fait payer assez cher le noble tort d’avoir trop de cœur pour être habile.

— Oui, — dit Marigny avec tristesse, — elle a beaucoup souffert par moi ; et telle est la rigueur des sentiments involontaires, qu’il n’y a point de dédommagements à offrir pour les maux dont on fut la cause. On peut écraser une destinée sans avoir un tort à se reprocher, car ne plus aimer, c’est un malheur. Pourquoi cesse-t-on d’aimer une femme ? On attend encore l’homme de génie qui doit répondre à cette question.

« Je n’ai — ajouta le futur gendre de Mme la marquise de Flers — à vous parler de mon sentiment pour madame de Mendoze qu’en tant qu’il influa (car il y influa) sur mes relations avec Vellini. Autant qu’on pouvait voir dans cette âme qui désorientait le coup d’œil par le mouvement et par la profondeur, il me sembla que Vellini, qui convenait de ne plus m’aimer et qui avait un amant, redevenait jalouse comme au temps où nous nous appartenions aux yeux de tous. Il y avait d’autres femmes pourtant dont on lui avait dit ce qu’elle savait de madame de Mendoze. Mais, jusque-là, je n’avais pas observé que la pensée d’une femme, depuis notre séparation, eût