Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvert à aucune consolation. Son chagrin la rendait hautaine, plus capricieuse, plus despotique. Elle me repoussait et me blessait en me repoussant. La colère, si prête à jaillir de toute passion sincère, me prenait et appelait la sienne. L’injustice des êtres aimés fait tant de mal ! Des scènes cruelles avaient lieu alors… Ah ! si je l’avais moins aimée, j’aurais pu me dompter peut-être ; mais je l’aimais tant que c’était impossible ! Je la retrouvais tout ce qu’elle avait été au début de notre amour. Elle me paraissait dure, entêtée, folle, tout ce que j’avais exécré déjà, et l’idée qu’elle était tout cela, et que pourtant elle était la maîtresse absolue de mon âme, qu’elle avait la puissance de soulever mon âme, me rendait insensé à mon tour et presque féroce. Je lui disais de ces mots amers, aiguisés, empoisonnés par la haine ; car en ces moments-là je la haïssais !… J’apprenais à quel point, dans les malheureuses âmes humaines, la haine est voisine de l’amour ! J’allais jusqu’à souhaiter sa mort, affreux délire ! et certainement je l’aurais tuée, si j’avais eu une arme aux mains. Une autre femme, sûre de son empire, qui aurait vu, comme elle, à quel degré elle pouvait m’égarer, en eût peut-être été touchée et m’eût désarmé par un mot, par un geste, par un de ces défis qui ont tant de grâce, parce que la