Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette soirée ne fut bonne que pour lui et pour elle. Madame de Flers, un peu fatiguée, avait attendu vainement à chaque acte l’arrivée de Vellini. M. de Prosny lui avait indiqué la loge où elle se montrait d’ordinaire. La marquise vit avec plaisir que les yeux de Marigny ne se tournèrent pas une seule fois vers cette place vide. Mais un si faible détail ne calmait pas son inquiétude. Elle était préoccupée de cette explication qu’elle allait provoquer ; elle tremblait pour Hermangarde, pour Marigny, pour elle-même ; car elle avait mis sur ce mariage sa dernière pensée, le bonheur de ses derniers jours.

Le spectacle fini, ils retournèrent tous, excepté le vicomte, à l’hôtel de Flers. Quand la marquise eut retrouvé son grand fauteuil dans le boudoir et qu’ils eurent parlé quelque temps encore de leur soirée, elle dit tout à coup à Hermangarde :

« Il faut te retirer, ma chère enfant, j’ai à causer avec M. de Marigny.

— Vous me cachez donc tous deux quelque chose ? — fit Hermangarde, avec le demi-sourire d’une femme qui se sent aimée et qui devine qu’on va parler d’elle et s’occuper de son bonheur.

— Peut-être bien, — reprit la marquise avec sa gracieuse finesse. — Viens donc m’embrasser, ma chère enfant, et laisse-nous. »