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était souffrante… Elle cherchait le sucrier sans flambeau, de peur de réveiller personne…

— Ces têtes d’acier-là ne sont pas si rares que vous avez l’air de le croire, capitaine ! — interrompis-je encore. J’étais contrariant. — Votre Alberte, après tout, n’était pas plus forte que la jeune fille qui recevait toutes les nuits, dans la chambre de sa grand-mère, endormie derrière ses rideaux, un amant entré par la fenêtre, et qui, n’ayant pas de canapé de maroquin bleu, s’établissait, à la bonne franquette, sur le tapis… Vous savez comme moi l’histoire. Un soir, apparemment poussé par la jeune fille trop heureuse, un soupir plus fort que les autres réveilla la grand-mère, qui cria de dessous ses rideaux un : « Qu’as-tu donc, petite ? » à la faire évanouir contre le cœur de son amant ; mais elle n’en répondit pas moins de sa place : « C’est mon busc qui me gêne, grand’maman, pour chercher mon aiguille tombée sur le tapis, et que je ne puis pas retrouver ! »

— Oui, je connais l’histoire, — reprit le vicomte de Brassard, que j’avais cru humilier, par une comparaison, dans la personne de son Alberte. — C’était, si je m’en souviens bien, une de Guise que la jeune fille dont vous me parlez. Elle s’en tira comme une fille de son nom ; mais vous ne dites pas qu’à partir de cette nuit-là elle ne rouvrit plus la fenêtre à son