Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tage… Tout au plus un monosyllabe arraché, d’obsession, à ces belles lèvres dont je raffolais d’autant plus que je les avais vues plus froides et plus indifférentes pendant la journée, et, encore, un monosyllabe qui ne faisait pas grande lumière sur la nature de cette fille, qui me paraissait plus sphinx, à elle seule, que tous les Sphinx dont l’image se multipliait autour de moi, dans cet appartement-Empire.

— Mais, capitaine, — interrompis-je encore, — il y eut pourtant une fin à tout cela ? Vous êtes un homme fort, et tous les Sphinx sont des animaux fabuleux. Il n’y en a point dans la vie, et vous finîtes bien par trouver, que diable ! ce qu’elle avait dans son giron, cette commère-là !

— Une fin ! Oui, il y eut une fin, — fit le vicomte de Brassard en baissant brusquement la vitre du coupé, comme si la respiration avait manqué à sa monumentale poitrine et qu’il eût besoin d’air pour achever ce qu’il avait à raconter. — Mais le giron, comme vous dites, de cette singulière fille n’en fut pas plus ouvert pour cela. Notre amour, notre relation, notre intrigue, — appelez cela comme vous voudrez, — nous donna, ou plutôt me donna, à moi, des sensations que je ne crois pas avoir éprouvées jamais depuis avec des femmes plus aimées que cette Alberte, qui ne m’aimait peut-être pas, que je n’aimais peut-être pas !! Je n’ai jamais