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ceau… Saviez-vous cela ? J’aurais même succédé à un de mes oncles dans sa commanderie, sans la Révolution qui abolit l’Ordre, dont, tout aboli qu’il fût, je me suis quelquefois permis de porter le ruban. Une fatuité !

« Quant aux hôtes que je m’étais donnés, en louant leur appartement, — continua le vicomte de Brassard, — c’était bien tout ce que vous pouvez imaginer de plus bourgeois. Ils n’étaient que deux, le mari et la femme, tous deux âgés, n’ayant pas mauvais ton, au contraire. Dans leurs relations avec moi, ils avaient même cette politesse qu’on ne trouve plus, surtout dans leur classe, et qui est comme le parfum d’un temps évanoui. Je n’étais pas dans l’âge où l’on observe pour observer, et ils m’intéressaient trop peu pour que je pensasse à pénétrer dans le passé de ces deux vieilles gens à la vie desquels je me mêlais de la façon la plus superficielle deux heures par jour, — le midi et le soir, — pour dîner et souper avec eux. Rien ne transpirait de ce passé dans leurs conversations devant moi, lesquelles conversations trottaient d’ordinaire sur les choses et les personnes de la ville, qu’elles m’apprenaient à connaître et dont ils parlaient, le mari avec une pointe de médisance gaie, et la femme, très pieuse, avec plus de réserve, mais certainement non moins de plaisir. Je crois cependant avoir entendu