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pêcheurs qui a donné les plus terribles flibustiers au monde, elle y étalait un faste qu’on n’y connaissait plus, depuis Louis XIV, et, parmi ces Basquaises qui, en fait de beauté, ne craignent la rivalité de personne, avec leurs tailles de canéphores antiques et leurs yeux d’aigue-marine, si pâlement pers, une beauté qui pourtant terrassait la leur. Attiré par cette beauté, et d’ailleurs d’une naissance et d’une fortune à pouvoir pénétrer dans tous les mondes, Robert de Tressignies s’efforça d’aller jusqu’à elle, mais le groupe de société espagnole dont la duchesse était la souveraine, strictement fermé cette année-là, ne s’ouvrit à aucun des Français qui passèrent la saison à Saint-Jean-de-Luz. La duchesse, entrevue de loin, ou sur les dunes du rivage, ou à l’église, repartit sans qu’il pût la connaître, et, pour cette raison, elle lui était restée dans le souvenir comme un de ces météores, d’autant plus brillants dans notre mémoire qu’ils ont passé et que nous ne les reverrons jamais ! Il parcourut la Grèce et une partie de l’Asie ; mais aucune des créatures les plus admirables de ces pays, où la beauté tient tant de place qu’on ne conçoit pas le paradis sans elle, ne put lui effacer la tenace et flamboyante image de la duchesse.

Eh bien, aujourd’hui, par le fait d’un hasard