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et le tortillement de sa démarche fussent de suffisantes étiquettes ; quoique ce jeune homme, qui s’appelait Robert de Tressignies, fût horriblement blasé et qu’il revînt d’Orient, — où il avait vu l’animal femme dans toutes les variétés de son espèce et de ses races, — à la cinquième passe de cette déambulante du soir, il l’avait suivie… chiennement, comme il disait, en se moquant de lui-même, — car il avait la faculté de se regarder faire et de se juger à mesure qu’il agissait, sans que son jugement, très souvent contraire à son acte, empêchât son acte, ou que son acte nuisît à son jugement : asymptote terrible ! — Tressignies avait plus de trente ans. Il avait vécu cette niaise première jeunesse qui fait de l’homme le Jocrisse de ses sensations, et pour qui la première venue qui passe est un magnétisme. Il n’en était plus là. C’était un libertin déjà froidi et très compliqué de cette époque positive, un libertin fortement intellectualisé, qui avait assez réfléchi sur ses sensations pour ne plus pouvoir en être dupe, et qui n’avait peur ni horreur d’aucune. Ce qu’il venait de voir, ou ce qu’il avait cru voir, lui avait inspiré la curiosité qui veut aller au fond d’une sensation nouvelle. Il avait donc quitté sa balustrade et suivi… très résolu à pousser à fin la très vulgaire aventure qu’il entrevoyait. Pour lui, en