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Il me renvoya mon volant.

— Oh ! — dit-il, — ce n’était pas alors que j’imitais le maréchal de Saxe, comme vous l’entendez… Ça n’a été que bien plus tard. Alors, je n’étais qu’un bambin de sous-lieutenant, fort épinglé dans ses uniformes, mais très gauche et très timide avec les femmes, quoiqu’elles n’aient jamais voulu le croire, probablement à cause de ma diable de figure… je n’ai jamais eu avec elles les profits de ma timidité. D’ailleurs, je n’avais que dix-sept ans dans ce beau temps-là. Je sortais de l’École militaire. On en sortait à l’heure où vous y entrez à présent, car si l’Empereur, ce terrible consommateur d’hommes, avait duré, il aurait fini par avoir des soldats de douze ans, comme les sultans d’Asie ont des odalisques de neuf.

— S’il se met à parler de l’Empereur et des odalisques, — pensé-je, — je ne saurai rien.

— Et pourtant, vicomte, — repartis-je, — je parierais bien que vous n’avez gardé si présent le souvenir de cette fenêtre, qui luit là-haut, que parce qu’il y a eu pour vous une femme derrière son rideau !

— Et vous gagneriez votre pari, monsieur, — fit-il gravement.

— Ah ! parbleu ! — repris-je, — j’en étais bien sûr ! Pour un homme comme vous, dans une