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« Le major Ydow était-il de ceux-là ? Peut-être. Mais, certes ! la Pudica était bien capable d’avoir soufflé en lui ce fanatisme dégradant. La Circé antique, qui changeait les hommes en bêtes, n’était rien en comparaison de cette Pudica, de cette Messaline-Vierge, avant, pendant et après. Avec les passions qui brûlaient au fond de son être et celles dont elle embrasait tous ces officiers, peu délicats en matière de femmes, elle fut bien vite compromise, mais elle ne se compromit pas. Il faut bien entendre cette nuance. Elle ne donnait pas prise sur elle ouvertement par sa conduite. Si elle avait un amant, c’était un secret entre elle et son alcôve. Extérieurement, le major Ydow n’avait pas l’étoffe du plus petit bout de scène à lui faire. L’aurait-elle aimé, par hasard ?… Elle demeurait avec lui, et elle aurait pu sûrement, si elle avait voulu, s’attacher à la fortune d’un autre. J’ai connu un maréchal de l’Empire assez fou d’elle pour lui tailler un manche d’ombrelle dans son bâton de maréchal. Mais c’est encore ici comme ces hommes dont je vous parlais. Il y a des femmes qui aiment… ce n’est pas leur amant que je veux dire, quoique ce soit leur amant aussi. Les carpes regrettent leur bourbe, disait Mme de Maintenon. La Rosalba ne voulut pas regretter la sienne. Elle n’en sortit pas, et moi j’y entrai.