Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/358

Cette page a été validée par deux contributeurs.

défaisait tout, s’était fait, de son chef, de prêtre sans foi médecin sans science, et qui pratiquait clandestinement un empirisme suspect et, qui sait ? peut-être meurtrier. Avec les hommes instruits, il ne convenait pas de son industrie. Mais, il avait persuadé aux gens des basses classes de la ville et des environs qu’il en savait plus long que tous les médecins à brevets et à diplômes… On disait mystérieusement qu’il avait des secrets pour guérir. Des secrets ! ce grand mot qui répond à tout parce qu’il ne répond à rien, le cheval de bataille de tous les empiriques, qui sont maintenant tout ce qui reste des sorciers, si puissants jadis sur l’imagination populaire. Ce ci-devant abbé Reniant — « car, — disait-il avec colère, — ce diable de titre d’abbé était comme une teigne sur son nom que toutes les calottes de brai n’auraient pu jamais en arracher ! » — ne se livrait point par amour du gain à ces fabrications cachées de remèdes, qui pouvaient être des empoisonnements : il avait de quoi vivre. Mais il obéissait au démon dangereux des expériences, qui commence par traiter la vie humaine comme une matière à expérimentations, et qui finit par faire des Sainte-Croix, et des Brinvilliers ! Ne voulant pas avoir affaire avec les médecins patentés, comme il les appelait d’un ton de mépris, il était le propre apothicaire de ses