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rement physique, et leur élégance soldatesque. Quoique en habits bourgeois, ils avaient conservé le raide de l’uniforme, qu’ils avaient porté toute leur vie. Selon une expression de leur vocabulaire, ils étaient un peu trop ficelés. Les autres convives, gens de science, comme les médecins, ou revenus de tout, comme ces vieux moines, qui se souciaient bien d’un habit, après avoir porté et foulé aux pieds les ornements sacrés de la splendeur sacerdotale, ressemblaient par le vêtement à d’indignes pleutres… Mais lui, Mesnilgrand, était — eussent dit les femmes — adorablement mis. Comme on était au matin encore, il portait un amour de redingote noire, et il était cravaté (comme on se cravatait alors) d’un foulard blanc, de nuance écrue semé d’imperceptibles étoiles d’or brodées à la main. Étant chez lui, il ne s’était pas botté. Son pied nerveux et fin, qui faisait dire : « Mon prince ! » aux pauvres assis aux bornes des rues quand il passait près d’eux, était chaussé de bas de soie à jour et de ces escarpins, très découverts et à talon élevé, qu’affectionnait Chateaubriand, l’homme le plus préoccupé de son pied qu’il y eût alors en Europe, après le grand-duc Constantin. Sa redingote ouverte, coupée par Staub, laissait voir un pantalon de prunelle à reflets scabieuse et un simple gilet de casimir noir à châle, sans