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elles ne s’aimaient pas, la comtesse et elle, car c’était le même genre d’esprit toutes les deux ! Aussi la survivante ne parle-t-elle de la morte qu’avec des yeux imprécatoires et des réticences perfides. Il est sûr qu’elle veut faire croire les choses les plus atroces… et qu’elle n’en sait qu’une, qui ne l’est pas… l’amour d’Herminie pour Karkoël.

« — Et ce n’est pas savoir grand-chose, chevalier, — repris-je. — Si l’on savait toutes les confidences que se font les jeunes filles entre elles, on mettrait sur le compte de l’amour la première rêverie venue. Or, vous avouerez qu’un homme comme ce Karkoël avait bien tout ce qui fait rêver.

« — C’est vrai, — dit le vieux Tharsis, — mais on a plus que des confidences de jeunes filles. Vous rappelez-vous… non ! vous étiez trop enfant, mais on l’a assez remarqué dans notre société… que Mme de Stasseville, qui n’avait jamais rien aimé, pas plus les fleurs que tout le reste, car je défie de pouvoir dire quels étaient les goûts de cette femme-là, portait toujours vers la fin de sa vie un bouquet de résédas à sa ceinture, et qu’en jouant au whist, et partout, elle en rompait les tiges pour les mâchonner, si bien qu’un beau jour Mlle de Beaumont demanda à Herminie, avec une petite roulade de raillerie dans la voix, depuis quand sa mère était herbivore ?…