Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.

devenu M. Marmor de Karkoël. On me répondit qu’il était retourné aux Indes sur un ordre de son gouvernement. La personne qui me dit cela était précisément cet éternel chevalier de Tharsis, l’un des quatre de la fameuse partie du diamant (fameuse, du moins elle l’était pour moi), et son œil, en me renseignant, se fixa sur les miens avec l’expression d’un homme qui veut être interrogé. Aussi, presque involontairement, car les âmes se devinent bien avant que la volonté n’ait agi :

« — Et Mme du Tremblay de Stasseville ?… — lui dis-je.

« — Vous saviez donc quelque chose ?… — me répondit-il assez mystérieusement, comme si nous avions eu cent paires d’oreilles à nous écouter, et nous étions seuls.

« — Mais non, — lui dis-je, — je ne sais rien.

« — Elle est morte, — reprit-il, — de la poitrine, comme sa fille, un mois après le départ de ce diable de Marmor de Karkoël.

« — Pourquoi cette date ? — fis-je alors, — et pourquoi me parlez-vous de Marmor de Karkoël ?…

« — C’est donc la vérité, — répondit-il, — que vous ne savez rien ! Eh bien ! mon cher, il paraît qu’elle était sa maîtresse. Du moins l’a-t-on fait entendre ici, quand on en parlait à voix basse. À présent, on n’ose plus en parler.