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lumière qui en débrouilla pour jamais en moi le chaos.

« Je vous ai dit, je crois, que j’avais été mis fort tard au collège. Les deux dernières années de mon éducation s’y écoulèrent sans que je revinsse dans mon pays. Ce fut donc au collège que j’appris, par les lettres de ma famille, la mort de Mlle Herminie de Stasseville, victime d’une maladie de langueur dont personne ne s’était douté qu’à la dernière extrémité, et quand la maladie avait été incurable. Cette nouvelle, qu’on me transmettait sans aucun commentaire, me glaça le sang du même froid que j’avais senti lorsque, dans le salon de mon oncle, j’avais entendu pour la première fois cette toux qui sonnait la mort, et qui avait dressé en moi tout à coup de si épouvantables inductions. Ceux qui ont l’expérience des choses de l’âme me comprendront, quand je dirai que je n’osai pas faire une seule question sur cette perte soudaine d’une jeune fille, enlevée à l’affection de sa mère et aux plus belles espérances de la vie. J’y pensai d’une manière trop tragique pour en parler à qui que ce fût. Revenu chez mes parents, je trouvai la ville de *** bien changée ; car, en plusieurs années, les villes changent comme les femmes : on ne les reconnaîtrait plus. C’était après 1830. Depuis le passage de Charles X, qui l’avait traversée pour